famille soudée avec un enfant handicapé

Quand le tourisme avec un handicap impose des choix

Cet article a été rédigé sous le regard d’Axelle, une collaboratrice d’Auvergne Rhône-Alpes Tourisme porteuse d’un handicap moteur inné. Atteinte d’une amyotrophie spinale infantile* qui entraine une motricité plus faible que les personnes valides globalement dans tous le corps ainsi que des tremblements aux mains, Axelle se déplace en fauteuil roulant. Vous retrouverez son témoignage tout au long de cet article ! Merci à elle pour son implication à nos côtés.

*une maladie neuromusculaire génétique et dégénérative

4.3 millions. C’est le nombre de français reconnus comme porteurs d’un handicap. Ce chiffre représente 1 adulte sur 7. De nombreuses personnes en situation de handicap ne laissent pas « deviner » leur situation puisqu’un handicap n’est pas forcément visible.

En France, 67% des personnes en situation de handicap pointent du doigt le manque d’accessibilité des lieux publics. Si, au quotidien leur situation n’est pas assez prise en compte dans les lieux publics, il est facile de deviner que l’accessibilité en vacances l’est d’autant moins.

QU’EST-CE QU’UN HANDICAP ?

Tout d’abord, un peu de contexte :

D’après l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), la définition du handicap est la suivante :

« Est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises« .

Constitue un Handicap, selon la loi pour l’égalité des droits et des chances :

« toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

Par ailleurs, la définition légale d’une « Personne à Mobilité Réduite » inclut l’ensemble des personnes qui éprouvent des difficultés à se déplacer, de manière provisoire ou permanente, il s’agit de :

« toutes les personnes ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, telles que, par exemple, personnes souffrant de handicaps sensoriels et intellectuels, personnes en fauteuil roulant, personnes handicapées des membres, personnes de petite taille, personnes âgées, femmes enceintes, personnes transportant des bagages lourds et personnes avec enfants (y compris enfants en poussette) ».

Enfin, une personne est considérée comme invalide si :

« après un accident ou une maladie survenue dans la vie privée (d’origine non professionnelle), la capacité de travail ou de gain est réduite d’au moins 2/3 (66%). La personne est considérée comme invalide si elle n’est pas en mesure de se procurer un salaire supérieur au 1/3 (33%) de la rémunération normale des travailleurs de sa catégorie, et travaillant dans sa région » .

Il existe 5 types de handicap reconnus :

  • Moteur : Aussi appelé déficience motrice, cet handicap toucherait environ 1.5% de la population française. Le handicap moteur est une atteinte à la motricité de l’individu qui peut être partielle ou total.
  • Auditif : Présent dès la naissance ou arrivant durant la vie, cet handicap se caractérise par une perte de l’ouïe.
  • Visuel : Tout comme le handicap auditif, le handicap visuel peut arriver à la naissance ou durant sa vie. On estime que 1,7 millions de Français vivent avec ce handicap qui est l’incapacité partielle ou totale de voir.
  • Mental : 1 à 3% de la population est porteur de ce handicap, résultant d’une déficience intellectuelle.
  • Psychique : Cet handicap est la conséquence d’une maladie mentale. Le handicap mental est souvent confondu avec le handicap psychique (et inversement).

LES PROBLÉMATIQUES DES VACANCES LORSQU’ON EST EN SITUATION DE HANDICAP

Environ deux tiers des français porteurs d’un handicap sont restreints dans leur quotidien.

La principale restriction est due à l’accessibilité des lieux.

Cette accessibilité, ou plutôt cette « non-accessibilité » comme nous le rappelle Axelle, se caractérise bien souvent par un parcours client/utilisateur qui n’est pas pensé pour une personne en situation de handicap. Pour vous donner une idée, voici une liste (non-exhaustive) des problèmes possibles :

  • Peu de places de parking adaptées et aux normes,
  • Manque d’accès aux informations touristiques adaptées
  • Pas d’écriture en braille
  • Peu de toilettes ou salles d’eaux adaptées et indiqués (pictogramme)
  • Pas d’ascenseurs ou en panne, pas de rampes et des marches à monter
  • Pas de voies praticables pour les accès et souvent des graviers, du sable, des cailloux à la place,
  • Peu de couloirs dimensionnés
  • Peu d’équipements pensés pour profiter correctement de l’expérience touristique.

En conséquence, partir en vacances avec ces contraintes (qui se cumulent), créé immédiatement des complications pour les « handivoyageurs »…voire interdit leur départ en vacances.

« Pour moi le plus grand obstacle est la mobilité, que ce soit dans la rue, dans les transports ou dans les infrastructures. Des escaliers, des voitures mal garées, des encombrants, autant d’obstacles auxquels je dois faire face quotidiennement et qui m’empêchent de rouler en toute liberté ! De plus, les places de parking réservées pour les personnes en situation de handicap sont encore trop peu nombreuses ou souvent mal placées ».

« Le manque d’information ou la fausse information sont également très problématiques. De nombreux hébergements n’indiquent pas qu’ils possèdent des équipements pour des personnes à mobilité réduite, par conséquent je ne vais pas chez eux alors que je pourrais. Parfois c’est le contraire, des hébergeurs indiquent qu’il y a un ascenseur ou des chambres adaptées, et quand j’arrive c’est la douche froide, aucun équipement indiqué n’est présent. Même s’il y a encore beaucoup de progrès à faire au niveau de l’accessibilité, de bonnes initiatives sont à souligner. Au Parc « LE PAL », ils ont simplement indiqué sur leur carte quels passages n’étaient pas adaptés aux personnes à mobilité réduite. Ainsi, je connais à l’avance les chemins à éviter, il n’y a pas de mauvaises surprises. »

QUELLES SOLUTIONS POUR VOYAGER SEREINEMENT POUR UNE PERSONNE EN SITUATION DE HANDICAP ?

La marque « Tourisme et Handicap »

En 2001, la France crée la marque Tourisme & Handicap qui définit des critères d’accessibilité et d’accueil pour garantir le tourisme à tous dans la plus grande autonomie possible.

Cette marque est décernée aux hébergements, restaurants, lieux de visite, lieux de loisirs et aux offices de tourisme. Elle prend notamment en compte l’accès facilité aux bâtiments et aux prestations de l’établissement. Elle est également attentive à l’accueil personnalisé réservé aux touristes en termes d’attention et de bienveillance. Ainsi, un établissement labellisé Tourisme et handicap répond donc à ces critères.

Afin d’obtenir ce label l’établissement doit répondre aux besoins d’au moins deux handicaps parmi les quatre reconnus (cf listing ci-dessus).

Aujourd’hui, seulement 5 000 structures touristiques en France possèdent ce label, un chiffre bas au vu du nombre d’infrastructures touristiques.

Ce site répertorie toutes les structures labellisées, où un moteur de recherche permet aux touristes de trouver un établissement selon leur handicap. Des pictogrammes permettent également de les distinguer.

« Les structures labellisées Tourisme et Handicap sont une bonne solution, cela permet d’identifier des structures adaptées à nos besoins. Néanmoins, je me retrouve souvent à choisir des hébergements moins adaptés mais beaucoup plus accessibles en termes de coûts. Le constat que je fais au niveau national est qu’il y a plus souvent des hébergements haut de gamme adaptés que des milieux ou bas de gamme. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, loin de la. Mais cela peut nous amener à limiter nos choix.  ».

Focus sur H+ Destination touristique

Initié par la Région Auvergne Rhône-Alpes, cette démarche vise à valoriser les destinations touristiques qui s’engagent en faveur d’un accueil handi-bienveillant pour les personnes en situation de handicap. La région soutient des destinations touristiques qui doivent mettre place certains axes d’action : la garantie d’un accueil de qualité, la proposition d’une gamme d’activités et de services pour la personne en situation de handicap et sa famille, l’inscription durable de la prise en compte du handicap dans les stratégies touristiques…

A ce jour, différentes villes souhaitent s’engager dans la démarche H+ comme Évian, Valence ou Clermont-Auvergne Métropole et ont suivi un programme de formations dédié financé par la Région.

Les entreprises spécialisées

Plusieurs entrepreneurs français s’impliquent dans cette question du « départ pour tous ». La raison ? Avoir un handicap ne doit pas priver une personne du droit (et de la possibilité matérielle) de partir en vacances.

« Ces agences spécialisées sont de bonnes initiatives pour garantir toutes les conditions nécessaires pour partir en voyage. Cependant, de mon point de vue, l’accès au tourisme pour tous ne doit pas passer par des agences spécialisées mais à minima par la formation d’une personne dans toutes les agences de France. »

Parmi ces entreprises, il existe :

  • BeHandi : « Toutes les destinations sont accessibles aux personnes en situation de handicap, à condition de leur fournir un accompagnement personnalisé ».
  • Mobee travel : La première plateforme de réservation de vacances en ligne dédiée aux personnes ayant des besoins spécifiques d’accessibilité. »
  • Yoola Voyage : Première agence de voyage et d’événementiel dédiée au public handicapé. Elle organise des séjours accessibles sur plus de 100 destinations à travers la France, l’Europe et le monde entier.
  • Comptoir des voyages : La promesse de la structure est la suivante « Que vous vous déplaciez en fauteuil roulant, manuel ou électrique, à l’aide d’une canne ou que vous marchiez sur une courte distance, ne soyez pas étonné si à votre demande de « partir en vacances » nous répondons par une proposition de « partir en voyage » ».
  • Anae est une association qui propose de nombreux séjours adaptés et de répit pour tous  
  • Loisirs Assis Evasion fait découvrir des activités adaptées en montagne 
  • Vercors, Terre de répit propose des séjours adaptés en famille
  • En Passant par la Montagne passerelle entre la montagne et le secteur social pour des séjours accessibles et activités proposées aux jeunes fragilisés, exclus ou en difficulté sociale 
  • Activ’Handi : Pour trouver balades et activités outdoor dans la région
  • Cœur d’Agate : Propose un moment de répit gratuitement aux aidants de personne malade, vieillissante ou porteuse d’un handicap

Le changement est en cours, même si de nombreux acteurs du tourisme peuvent mieux faire et progresser dans leur prise de conscience des changements à amorcer. L’investissement des prestataires touristiques doit s’intensifier, mais plus globalement c’est le regard de tout un chacun sur l’inclusion et le handicap qui doit changer.

Evidemment, les charges financières associées à ces évolutions, à ces décisions d’investissements, d’aménagements, pèsent naturellement sur les arbitrages d’ouverture à destination de toutes les personnes « empêchées » à un moment ou un autre de leur vie. En prenant en compte le handicap, on travaille pour le confort et l’accessibilité de tous. Ainsi, l’installation d’une rampe à côté d’un escalier servira demain tout autant aux parents avec des poussettes qu’à une personne utilisant un fauteuil pour se déplacer.

En adoptant cette vision, chaque arbitrage n’est plus seulement consideré comme une charge financière pour un public restreint (personnes en situation de handicap) mais comme un service bénéficiant à tous.

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